DES DÉFERLANTES DONT IL VA FALLOIR TENIR COMPTE, par François Leclerc

Billet invité.

La déferlante humaine s’est poursuivie ce matin dans les villes de province depuis qu’elle s’est spontanément manifestée place de la République à Paris, et elle se présente comme allant être gigantesque demain dimanche. Un fait politique est créé qui n’emprunte pas les habits que l’on a voulu lui faire porter en la qualifiant de « marche » en faveur de « l’unité nationale ». Il s’agit de bien plus que de cela et il va falloir en tenir compte : les manifestations ont pris une claire tournure antiraciste et en faveur de la liberté.

A l’émotion et au haut-le-cœur si largement partagés s’ajoute le besoin impétueux de donner un coup d’arrêt à un fanatisme assassin enfanté dans nos murs. Car nous en sommes là ! Le terrorisme islamique exprime une rupture portée à son paroxysme, mais celle-ci est dans les faits déjà consommée dans notre société qui a laissé s’instituer une profonde coupure sociale et culturelle, dont on ne se rend pas compte lorsque l’on est de l’autre côté de la barrière.

Cela ne laisse comme issue que de s’abandonner à des pulsions xénophobes et racistes nauséabondes, ou d’intervenir où il est possible d’agir, c’est à dire sur le terrain. De remédier à ce mal qu’auparavant on appelait des banlieues, et qui n’a depuis fait qu’empirer devant l’incurie des gouvernements successifs et la détérioration de la situation économique. La démonstration a été faite que l’on ne peut plus compter sur eux, et qu’il faut trouver les initiatives permettant d’aller à la rencontre des habitants relégués de ces zones déshéritées, afin de construire avec eux des ponts, car ce sont eux qui vont permettront d’éradiquer le fanatisme islamique. Pas plus que le rejet, la partition n’est une solution.

Ce besoin de donner un coup d’arrêt ne vise pas uniquement un fanatisme sanguinaire, il exprime également un trop plein résultant de l’accumulation des périls qui s’accumulent, devant lesquels le sentiment prédominant est qu’il n’y a rien à faire. La résignation a ses limites, et elles viennent d’être trouvées sur un terrain qui s’y prêtait plus particulièrement : tuer des caricaturistes, c’est abattre un rempart de la liberté. Il y a un côté révolte dans ce véritable soulèvement populaire et pacifique, comme si trop c’était trop !

C’est à ceux qui tiennent le discours de l’unité nationale – et non de l’union des citoyens – qu’il appartient d’en créer les conditions afin qu’elle devienne une réalité traduisant dans la vie de tous les jours la devise tant dévoyée de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. Mais il est à craindre que nous n’ayons droit qu’à des mesures sécuritaires. Un signal aura cependant été donné, sur lequel les dirigeants européens venus à Paris et emportés par une marée humaine vont aussi pouvoir méditer : il ne faut pas aller trop loin.